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La concurrence déloyale peut être décrite comme une situation où une entreprise abuse de sa liberté d’entreprendre en utilisant des méthodes contraires aux règles, ce qui cause des préjudices à ses concurrents ou aux autres. En d’autres termes, il s’agit de l’utilisation de pratiques commerciales inappropriées ou contraires aux pratiques habituelles.
La concurrence déloyale constitue un abus du droit et entre dans le champ de la responsabilité civile de droit commun, conformément à l’article 1240 du code civil. Pour établir une réclamation en cas de concurrence déloyale, il est donc nécessaire de démontrer trois éléments : l’existence d’une faute, la survenue d’un préjudice, et l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Compte tenu de ces éléments, la concurrence déloyale ne concerne exclusivement que les acteurs économiques entre eux. De plus, celle-ci ne doit pas être confondu avec les pratiques commerciales déloyales (trompeuses ou agressives) relevant du code de la consommation (art.120-1 C. conso) ou encore des pratiques anticoncurrentielles (entente, abus de position dominante).
Les actes de concurrence déloyale
Les actes pouvant constituer une concurrence déloyale sont diverses mais peuvent être rangés dans quatre catégories distinctes.
Le dénigrement
Le dénigrement consiste à discréditer publiquement un acteur économique précis. C’est une limite à la liberté d’expression compte tenu de l’abus qui en est fait. Le dénigrement peut porter sur des produits ou le travail d’un concurrent. Au fil du temps la jurisprudence a déterminé les éléments qui caractérise le dénigrement.
« le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ». (CA Paris, 30 mai 2018, n°17/01693).
La personne doit être identifiable. Il importe peu qu’elle soit nommément désignée ou encore qu’elle vise une personne ou une catégorie de personnes. Les juges vérifient si la personne est identifiable par les personnes destinataires des propos dénigrants.
Propos péjoratifs sur les produits ou services. Il s’agit de diffuser des informations négatives sur l’entreprise ou les produits d’un concurrent (solidité financière, compétences, fiabilité, qualité des produits).
Intention malveillante : Il faudra également démontrer le caractère intentionnel du propos, c’est-à-dire démontrer que l’auteur des propos voulait obtenir profit de ce dénigrement. Cela permet ainsi de distinguer le fait de critiquer librement un produit ou service, et l’abus dans la liberté d’expression qui consiste à nuire.
Enfin, elle doit être accessible au public. En effet, les informations diffusées en interne mais non connue des personnes étrangères à l’entreprise ou du public, ne sauraient caractériser un dénigrement.
Attention : La critique dirigée contre une personne (physique ou morale) qui affecte l’honneur ou la considération de cette personne, ne peut en constituer un dénigrement mais doit être poursuivi en diffamation (l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881). A contrario, il ne peut y avoir de diffamation sur les « services » ou « produits ».
La confusion
Contrairement au dénigrement, à travers la confusion, l’auteur cherche à s’approprier le succès de son concurrent en trompant la clientèle. En effet, la confusion porte souvent sur le nom et l’entreprise concurrente, soit sur la marque et les produits du concurrent. L’auteur de la confusion tente d’utiliser la réputation de son concurrent pour capter sa clientèle.
En fait, ici, l’auteur cherche à créer dans l’esprit de la clientèle une assimilation ou une similitude entre des entreprises ou les produits de celles-ci. La confusion peut soit être le fruit d’une imitation ou d’une ressemblance.
En l’absence de risque de confusion, l’imitation ou la ressemblance ne sont pas illicites. Il revient donc au juge de constater si l’imitation va créer un risque de confusion. Pour sa caractérisation, le juge prend en compte la notoriété des signes distinctifs, l’antériorité, le secteur d’activité, le rayonnement géographique, l’originalité des produits…
La confusion peut également être sanctionnée pénalement au titre des « pratiques commerciales trompeuses » visées aux articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation.
Le parasitisme économique
L’acte de parasitisme porte atteinte à une valeur économique. Il doit y avoir un détournement des investissements réalisés par le parasité. Il consiste en l’usage d’un ensemble de comportements par lesquels une entreprise cherche à tirer profit d’un concurrent sans fournir aucun effort particulier (ni dépenses financières ni investissement en savoir-faire).
Selon la jurisprudence : « le parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion » (Cass. com., 9 juin 2015, n°14.11.242).
On parle de concurrence parasitaire en présence de rapport concurrentiel et d’agissements parasitaires en son absence.
La désorganisation
La désorganisation consiste à perturber un opérateur économiques précis impliquant directement ses salariés, partenaires, clients ou à perturber un marché.
La désorganisation d’un acteur économique peut résulter de salariés débauchés d’une même entreprise durant la même période. En effet, la désorganisation peut consister par la prospection de la clientèle d’un concurrent de manière abusive. Mais encore, par la divulgation de secrets de l’entreprise, divulgation de fichiers clients ou détournement de commande et de clientèle.
La désorganisation du marché créant un avantage concurrentiel est également sanctionnée. La Cour de cassation considère que : « la violation de la réglementation en vigueur par un opérateur économique crée une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive en soi d’un acte de concurrence déloyale » (CA Paris, 9 mars 2016, n°13/01884).
Plus récemment, la cour de cassation a admis que « constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d’une réglementation dans l’exercice d’une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur » (Cass. com., 17 mars 2021, n°19-10.414).
Comment collecter des preuves de détournement de clientèle et de concurrence déloyale ?
La sanction de la concurrence déloyale repose sur plusieurs éléments clés. Tout d’abord, il est important de noter que l’action en cas de concurrence déloyale est basée sur les principes du droit commun de la responsabilité civile, notamment les articles 1240 et 1241 du Code civil. Cette action peut être intentée par toute personne ayant un intérêt légitime à agir, dès lors que la faute commise vise à obtenir un avantage économique. De plus, cette action doit être engagée dans un délai de prescription de cinq ans.
En outre, il est possible de recourir à la procédure en référé en saisissant le juge compétent et en lui demandant de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au trouble causé, y compris l’imposition d’une astreinte, conformément aux articles 809 et 873 du Code de procédure civile.
Sur le fond, l’auteur de la concurrence déloyale peut être condamné à verser des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi. Il convient de noter que ce préjudice peut revêtir une dimension matérielle, découlant de la perte de clientèle ou de la perte de chances de développement, ou une dimension morale sous forme de trouble commercial.
Enfin, le juge peut également ordonner une injonction de cessation des actes de concurrence déloyale, assortie le cas échéant d’une astreinte, et exiger la publication ou la diffusion de sa décision.
Il est à noter que, par principe, seuls les préjudices effectivement subis pouvaient être indemnisés. Cependant, la Cour de cassation semble avoir élargi la portée de la réparation dans un arrêt récent en date du 12 février 2020 (Cass. com., n°17-31.614). Selon cette décision, la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en compte l’avantage injuste obtenu par l’auteur des actes de concurrence déloyale au détriment de ses concurrents, ajusté en fonction des chiffres d’affaires respectifs des parties affectées par ces actes. En d’autres termes, le préjudice peut être évalué en prenant en considération les économies réalisées par l’auteur des pratiques illicites.